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This article was written on 25 fév 2013, and is filled under Idées sorties.

Le Monfort théâtre, quand l’art sourit aux audacieux

Stéphane Ricordel et Laurence de Magalhaes, codirecteur et codirectrice du Monfort théâtre. Photo : L. Malterre.

Le Monfort théâtre est une valeur sûre dans le monde du spectacle. Plus connu des milieux autorisés que du grand public, il est dirigé par un duo qui, après en avoir redoré le blason, cherche à élargir son audience.

Ce duo de directeurs est composé de Laurence de Magalhaes et de Stéphane Ricordel. Arrivés en 2009, ils ont travaillé à balayer l’image poussiéreuse du théâtre Silvia-Monfort. « On a changé le logo, la programmation, on a simplifié le nom en enlevant le prénom Silvia » raconte le codirecteur avant d’être complété par la codirectrice : « ce n’est pas contre elle ! Au contraire, je pense qu’on se serait entendus avec cette femme dynamique qui en plus aimait les arts du cirque. »

Entre deux mairies

L’équipe dirigeante a été nommée par la majorité de Bertrand Delanoë : « on est malgré nous arrivés avec cette image de gauche. Un homme m’a même dit, je viendrai voir un spectacle, par contre je suis de droite. On ne peut pourtant pas dire qu’on se serve du théâtre comme d’une tribune » déplore Stéphane Ricordel. Au rayon des conséquences il note le manque de soutien de la mairie du 15e. Cela se manifeste par des erreurs dans le guide des associations qui évoque encore l’ancien directeur mais surtout, cela a, dit-il, rendu difficile la construction d’une deuxième salle.

« Pour choisir un spectacle, on ne va pas se contenter d’un texte. Ce qui va primer c’est le plateau et l’idée de mise en scène, l’esthétique. » Dans leur projet élaboré en 2009, ils ont souhaité un théâtre pluridisciplinaire, qui soit aussi ouvert à la danse et au cirque. Les arts s’entremêlent, le qualificatif de spectacle prend tout son sens tant les frontières s’estompent. Le Monfort ne casse pas les codes pour le plaisir de transgresser, il traverse les styles pour en proposer de nouveaux.

Le projet en 2009 devait aussi être de proposer aux artistes et aux spectateurs un lieu dans lequel ils se sentent bien. Il arrive aujourd’hui à maturité. Pour les uns avec la possibilité de répéter et même créer dans l’enceinte du Monfort et pour les autres via un bar au succès grandissant « on voit venir des gens à 18h30 alors que le spectacle ne commence que deux heures plus tard et il n’est pas rare qu’il ouvre jusqu’à 2h du matin. On travaille aussi sur la fidélisation du public avec des rencontres et des stages » détaillent-ils, précisant que cela passe d’abord par l’équipe administrative : « nous concevons le travail avec l’équipe du théâtre comme celui d’une troupe. On veut qu’elle s’empare du projet et que lorsqu’un spectacle se crée ici, tout le monde en devienne l’équipe productrice. »

Le risque de créer

Photo : L. Malterre.

Pour ces anciens trapézistes de la compagnie des Arts Sauts, le choix d’un spectacle s’accompagne d’une dose de risque, celui de déplaire. Car si les spectacles ont parfois déjà été produits ailleurs, une part de plus en plus importante est laissée à la création.

Cette année, pas moins de 10 spectacles sur 14 sont des créations, presque trop pour Laurence de Magalhaes mais ajoute-t-elle : « on fait confiance aux metteurs en scène parce qu’on connaît leur univers. Prendre des risques, c’est notre métier. Mais en même temps, on n’a pas les moyens de se planter, il faut que ça marche. » Et ça a marché, notamment cet automne avec la programmation d’Ivan Mosjoukine pour cinq semaines. Un succès tel que, fait exceptionnel, il sera reprogrammé.

Succès d’estime, succès public

Être à la tête d’un théâtre subventionné ne signifie pas qu’ils n’ont pas de comptes à rendre. Lorsqu’il fait le détail des dépenses, Stéphane Ricordel en arrive à la conclusion que du million d’euros subventionné, la totalité passe dans l’administratif : « ça ne paye pas les techniciens, la communication ou les artistes. »

Acrobates
Jusqu’à samedi le Monfort présente pour la première fois un spectacle créé par son codirecteur Stéphane Ricordel. Acrobates est une histoire d’amitié et de deuil. Prenant, poignant, d’une intensité rare, ce spectacle est promis, gageons-le, à un beau destin et une belle tournée. Il ne reste que quelques jours au Monfort mais il devrait y revenir.
Voir la vidéo de présentation.

Et quand on lui demande à quoi ressemblerait ce théâtre sans subventions : « les places seraient trois fois plus chères, on serait obligé de programmer des spectacles qui marchent auprès du grand public et on ne pourrait pas payer les artistes. La communication serait aussi à leur charge. » Laurence de Magalhaes d’ajouter « ne pas payer les artistes est quelque chose qui nous paraît fou. » C’est pourtant la réalité de bien des théâtres privés.

Le Monfort théâtre est situé aux abords du parc Georges Brassens, une position légèrement excentrée qui implique un public plutôt local, venant des 14e et 15e arrondissements. L’autre « public » est celui des programmateurs qui viennent chercher de nouveaux spectacles « c’est une reconnaissance pour nous » explique Laurence de Magalhaes qui se fait une fierté d’être la porte d’entrée dans Paris de spectacles provinciaux. Ainsi l’onirique Art de la fugue est-il encore quelques jours au Centquatre.

Pour l’avenir, sans se soucier des éventuels mouvements à la mairie, le duo de dirigeants veut continuer à favoriser la création et à rajeunir ses spectateurs. Un projet qui s’étalerait sur une dizaine d’années.

Le Monfort théâtre, 106, rue Brancion, 75015 Paris.

Métro Porte de Vanves, tramway T3 station Brancion et bus 95 arrêt Brancion direct depuis la gare Montparnasse.

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