Hôpital Cochin : les médecins urgentistes dénoncent l’AP-HP et son « monde de mafieux »

19 mars 2014Société

Christophe Prudhomme est porte-parole de l’AMUF et syndicaliste CGT. Photo : Wat.tv/DR.

Le rapport des experts de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) sur le décès mi-février d’une dame aux urgences de l’hôpital Cochin ne répond pas à tout, il pousse même à de nouvelles interrogations.

Autourdemontparnasse.fr a demandé à l’AP-HP de clarifier les zones d’ombre révélées dans notre précédent article, mais l’assistance publique n’a pas donné suite.

Au contraire, le syndicat des médecins urgentistes AMUF a bien voulu répondre à nos questions.

Son porte-parole, Christophe Prudhomme n’y va pas avec le dos de la cuillère, allant jusqu’à qualifier de mafia les instances supérieures de l’AP-HP.

Autourdemontparnasse : Pourquoi le rapport ne s’émeut-il pas de voir que la patiente a dû attendre près de 5 heures ?

Christophe Prudhomme : Qui sont les rédacteurs du rapport ? Ce sont des chefs de service de l’AP-HP, une caste de médecins qui se soutiennent entre eux. Ils sont juge et partie. Ils sont hors de la réalité, ils ont un niveau de tolérance de l’inacceptable et ils sont prêts à tout pour s’autojustifier.

Cette dame a fait un arrêt cardiaque, elle aurait pu le faire partout mais peut-être qu’ailleurs quelqu’un lui aurait porté secours. Ces services deviennent inhumains parce que le niveau d’activité est incompatible avec une bonne prise en charge des patients. Aujourd’hui on vous bague à votre arrivée, j’utilise ce mot volontairement et j’ai envie de leur dire « elle n’est pas efficace votre bague, mettez une puce au patient ! »

Nous, on conteste la légitimité de ces experts, ils sont du même tonneau que ceux qui nous ont vendu le Médiator. Il faut nettoyer les écuries d’Augias, c’est un monde de mafieux.

« un système clanique mafieux »

Que pensez-vous de l’idée d’une nouvelle réorganisation tel que c’est préconisé dans le rapport ?

Christophe Prudhomme : Tous les services sont surchargés. La littérature médicale internationale dit qu’au-delà d’une certaine activité, on perd en efficacité et des patients meurent. À 160 passages par jour, on ne peut pas assurer les urgences (ndr : le rapport fait état de 152 passages le 15 février, jour du drame), voilà pourquoi on demande la réouverture des urgences de l’Hôtel-Dieu. Sa fermeture est un scandale.

La commission chargée de l’enquête n’était pas contradictoire, on cache à la justice ce qu’il s’est passé. On raconte que l’autopsie n’a pas pu être faite car la famille n’a pas donné son accord, mais on n’a pas besoin de l’accord de la famille quand c’est le parquet qui décide. Sauf qu’il n’a pas été consulté.

Dans un État de droit, et non un système clanique mafieux, le chef de service mériterait une suspension.

« ils acceptent l’inacceptable »

Pourquoi selon vous le rapport propose-t-il de former les médecins à Urqual pour ensuite passer à Orbis ?

Christophe Prudhomme : On a osé dire que les internes ne savent pas se servir de l’informatique. Ils ont trente ans, ils sont nés dedans, et on nous explique que ce sont les médecins plus âgés qui maîtrisent mieux l’informatique ?

On veut faire faire à l’informatique ce qu’elle ne fait pas. Quand on veut un système idéal, on aboutit aux catastrophes comme pour le dossier médical partagé pour lequel on a dépensé 800 millions d’euros avant de repartir à zéro (ndr : 500 millions d’euros depuis 2004 selon cet article, les 800 millions d’euros correspondent à un autre scandale sanitaire, celui du Mediator).

Quand ils expliquent qu’Urqual met les patients dans des cases, ils acceptent l’inacceptable, ils acceptent qu’un patient attende 5 heures, ils acceptent que même s’il n’y a aucun absent dans le service et une affluence pas particulièrement grande, on soit quand même en dessous des normes.

L’hôpital n’est pas une entreprise, ici les dysfonctionnements se traduisent par une augmentation de la mortalité.

Partagez cet article :

☰ Article précédent : | Article suivant :

Leave a Reply